jeudi 17 mars 2016

Vivre et survivre

Je serais en deuil aujourd’hui. En deuil d’une dame connue il y a 15 ans, plus âgée que moi et rencontrée dans une formation psychocorporelle. Ça a cliqué tout de suite. Nous portions le même nom, notre nom d’âme!

J’écris à l’imparfait car il est possible que la suite béante de cette rencontre soit imparfaite.

J’étais en pleine séparation. Le père de ma fille et moi traversions un tsunami. Je traversais un tsunami. C’est lui qui a pris la décision, c’est lui qui a chois le moment pour me l’annoncer, c’est lui qui a choisi de prendre le contrôle de que je croyais être la dernière étape de la relation…. Belle illusion! C’est moi qui ai choisi, inconsciemment, de lui donner les rennes de ma vie, à ce moment-là et bien avant aussi.

J’ai vogué bien longtemps sur les flots de la vie dans la barque de la survivance et voilà que je m’y retrouvais à nouveau et pas simplement à cause d’une séparation prévisible mais parce que je m’y trouvais depuis des années. Une survie affective, en quête d’amour pour remplir un puits béant laissé derrière par une enfance parsemée d’abandon, de jeux de pouvoirs, de manipulation, de rejet…. Je n’étais encore qu’une enfant dans un corps de femme qui avait enfanté à son tour.

Je serais en deuil aujourd’hui si j’avais poursuivi la relation avec cette belle dame, artiste peintre elle aussi.  J’écris au conditionnel car il y a effectivement une condition à cette relation, celle de la nourrir. Comment nourrir une relation quand on est soi-même en état d’inanition affective? Comment trouver l’élan vers l’autre quand on a besoin de faire graviter les autres vers soi pour être nourri?

J’étais en survie émotionnelle et affective!

Jamais Oxfam ne donne à ce genre d'état de survie insidieuse, invisible, destructrice, manipulatrice et extrêmement souffrante. L’énergie de la survie ronge les surrénales, le moral, les relations et repousse la pulsion de vie et l’intuition féminine. Elle se veut protectrice des acquis et répète qu’ « un vaut mieux que deux tu l’auras » et « contente toi de ce que tu as et compte toi chanceuse ».

À naviguer sur les flots de la survie m’a bien souvent écartée de ma vie créatrice. La survie et la vie sont façonnées de la même matière et de la même force sans en posséder les mêmes attributs. La survie réduit le champ de vision. La vie éclaire l’horizon.

Combien de portes ai-je refermées derrière ou devant moi?
Combien de chemin ai-je écartés de mes plans?
Combien d’opportunités de nourrir mes élans créateurs ai-je occultées?
Combien de projets avortés?

J’ai souvent choisi de me noyer dans les eaux troubles au lieu de surfer sur les vagues puissantes de la vie par peur de tomber à l’eau sans savoir si je pouvais y nager.
Faire l’effort de monter sur la planche de surf, d’avoir l’air ridicule ou malhabile, de tomber et de ne pas me relever et surtout de perdre ce qui est sans savoir ce qui sera.

J’ai maintes fois renoncé à déployer cette énergie pour m’engager sur une voie dévorante qui mutile l’âme. La survie ronge les projets, dévore la vie et laisse derrière elle le gout amer de l’abandon de soi, de la non-reconnaissance de soi et contribue à nourrir le manque de confiance en soi.

Ce matin, j’éprouve le sentiment d’une profonde compassion pour celle en moi qui a bien souvent emprunté cette voie.

De la compassion et de l’amour pour elle, cette enfant blessée qui a refusé de grandir car elle a eu peur de la force vitale qui m’habite. Elle avait introjecté que la vie n’était pas pour elle ou pour nous deux, seulement pour les autres et elle a choisi de regardé le spectacle au lieu d’en faire partie.

Cette enfant a grandi en moi et a tenu les guidons de ma vie, souvent, pas tout le temps, de moins en moins.
Ignorée trop longtemps, je sais maintenant qu’elle fait partie de ma vie et de ma pré-histoire de vie. C’est là d’où je viens.

Et c’est avec elle que j’avance maintenant en surfant sur les flots nourrissants de la Vie!


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