mercredi 21 juillet 2010

Naître pour exister

C’est souvent dans le silence des mots que le germe s’active.

La vie rapide, l’action pour l’action, faire, prouver, performer… Errer en ce monde à la quête de soulagement physique ou moral épuise.

C’est souvent dans le silence des maux que le germe s’active. Et pour cela, il arrive que le corps impose son temps d’arrêt.

Lutter contre nature épuise aussi. Et quand je me surprends à ce jeu, je choisis de me ramener à mon essence par le silence en dirigeant mon regard vers l’intérieur de moi. Un regard pour m’y voir et pour m’y sentir, d’un meilleur œil, celui du cœur. Un regard qui appelle l’accueil plutôt que le jugement, la bienveillance plutôt que le mépris. Pas facile à faire, j’en conviens, mais il en vaut l’intention et l’attention et même l’effort.

Ils sont nombreux les indicateurs que des besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits. Le corps, ce précieux collaborateur, offre son interprétation de l’insatisfaction intérieure ; il se manifeste, il se dit et, parfois, il se crie.

Mais comment écouter, lire ou voir ce que le corps exprime ? Comment s’y retrouver à travers les peurs, la culpabilité et le jugement ? C’est en se déposant, en s’arrêtant et en passant par le corps, par les sensations et les émotions, que l’accès aux images du monde intérieur s’ouvre et ainsi se révèlent des facettes de l’Être véritable que nous sommes, de ses besoins qui appellent à être satisfait et des élans de vie qui revendiquent une voie.

S’entendre et se voir en posant le regard vers soi, c’est nourrir le germe de vie qui sommeille. Lui donner naissance, c’est lui offrir l’incarnation dans la matière. Et pour cela, je retrouve ma force vive et l’élan de mon âme par la mise en images. Je rends en couleur mon monde intérieur, souterrain et cosmique ; peindre me propulse dans la vie. L’écoute et la matérialisation de mes images intérieures me donne à voir qui je suis en laissant émerger mes ressources profondes, mes talents, mes pulsions, mes besoins, mes peurs et mes blocages aussi, ma légende personnelle et la pureté de mon âme.

Je m’abandonne à la toile, à sa plage blanche immaculée pour m’ouvrir à la vie, pour me donner naissance, toiles après toiles, au service de mon âme et du germe qui crie la vie. J’accorde une importance capitale à l’image qui appelle à naître ; j’entretiens un dialogue avec elle, de sa gestation jusqu’à sa mise au monde sur la toile. Elle est en moi, je suis en elle. Nous sommes. Nous sommes l’Esprit descendu dans la matière. Elle est mon enseignante ; elle m’apprend sur moi car elle porte mon élan de vie.

Je me laisse surprendre, je me laisse choisir par les images et par les couleurs. Je m’abandonne à la séduction des jeux d’ombres et de lumière, douce métaphore, je croule littéralement de plaisir au cœur de ce pèlerinage de l’âme.

L’exploration des images intérieures est riche pour la connaissance de soi. Le monde imaginaire est une contrée extrêmement fertile de l’être humain ; virtuel et bien réel, il lui révèle sa particularité, son histoire, ses nuances, ses potentialités, ses dualités et ses pulsions de vie ou de mort. Par l’expression créatrice, le monde imaginaire prend forme ; il s’étend sur la toile, il naît des mains du sculpteur, il glisse sous les crayons de couleurs, il tache d’encre les papiers. Grâce à l’extériorisation et à la matérialisation, il est possible d’apprécier toute la richesse des images qui nous habitent, de faire des liens, de faire des découvertes et de s’enrichir de soi. Les images deviennent bien réelles car matérielles, devant soi, comme un nouvel ami avec qui nous souhaiterions faire connaissance. Et pourquoi pas !

Nourrie du même germe, toiles après toiles, je nais à moi-même dans la certitude que me créer me donne la liberté d’exister.